Lettre de Guy à Rico
le 8 mars 1916
Les Moëres (en néerlandais De Moeren)
étaient encore en 1916 une région marécageuse dans la région de Dunkerque, à cheval sur l’actuelle frontière franco-belge et entièrement située sous le niveau de la mer, en grande partie gagnée sur la mer via des travaux de poldérisation. Ce polder est le seul polder français transfrontalier. C’est le point le plus bas de toutes les zones gagnées sur la mer en France et pour le sud de la Belgique (Grandes et Petites Moëres). Le paludisme y a sévi jusque tard au cours du XXème siècle.
Retranscription du texte original :
Hôpital Albert I
Ce 8 mars 1916
Mon cher Rico
Au fond tu ne sais rien de ma maladie et dois t’imaginer bien des choses ! Pas du tout c’est tout simplement la réédition de la fièvre que j’ai eu aux moëres.
Ici ils appellent cela une fièvre paludéenne (des marais) ou intermittente. D’ailleurs c’est fini et je compte quitter le 10 pour Courbevoie, lieu de convalescence.
Si tu viens en congé vers le 16 apporte moi tout mon attirail pour la barbe (rasoir, cuir, blaireau, savon, alun) tu me rendrais grand service.
Quand tu m’écris – et j’espère bientôt – donne-moi des nouvelles de mon cheval, de mes affaires. Qu’est-ce devenu tout cela ? Ton retour au régiment me rend beaucoup de courage et tacherais de revenir au plus tôt pour être ensemble.
Je tacherai de passer à ton peloton – si tu ne passes pas aux cyclistes ! – et la vie ira beaucoup mieux.
Dis-moi aussi de quel côté est ce cantonnement dont le nom ne me dit rien.
J’ai lu ces jours-ci un bon livre des Goncourt, « Sœur Philomène » ». Je t’en parlerai.
Maman vient me voir tous les jours de 2 à 3, l’heure des visites. Dans une lettre dis-lui combien je suis sensible à tout ce qu’elle fait pour moi. Cela lui fera plaisir.
Il y a ici un baron de Thau(?) rappelé au 2 ème guide et gravement blessé à Wechter depuis dans les hôpitaux. Connais-tu cela?
Demain ma première sortie. Je déjeune à l’appartement avec Artus père, Mme Molhfeld (?) et … Baudouin en congé ici.
Je compte beaucoup sur un congé de convalescence (7 jours) Cela me permettra de revoir un tas de figures amusantes et gentilles – Suzanne Artus, Gilberte Roux – .
Tu sais que Maman m’a fait faire une magnifique veste à l’anglaise que j’ai portée durant tout mon congé et dans laquelle je suis superbe !
Malheureusement mon manteau ma culotte (la tienne) et ma veste des guides m’ont été raflées ici. Et je suis habillé de noir … horreur !
Donne-moi de tes nouvelles et des nouvelles de l’escadron
Tout à toi
Guy