ROMAIN de SCHOUTHEETE (1866-1953)
ET
CECILE de TERWANGNE
( 1869-1928)

Un texte de leur petit-fils, Philippe de Schoutheete 

Romain de Schoutheete et Cécile de Terwangne sont les ancêtres communs de tous les Schoutheete existant aujourd’hui. Paradoxalement je suis moins bien renseigné sur Romain que sur son père et son grand père. Je n’ai pratiquement aucun document le concernant et fort peu de photos. C’est pourquoi je demande l’aide de ceux qui pourraient avoir des documents, souvenirs ou albums cachés dans leurs greniers : voir les questions en dernière page.

Cahier original en format PDF

Invitation au déjeuner de mariage de Romain et Cécile

Romain
de Schoutheete de Teravarent

Né en 1866, Romain a 24 ans quand il épouse en 1890 Marguerite Cécile, dite Cécile, fille du baron Léon de Terwangne, banquier à Anvers, et de Elisa Pinson. Deux ans plus tôt l’acte de vente du château de Moeland à St. Nicolas indique qu’il réside à Louvain. Il ne semble pas pourtant qu’il ait fait des études universitaires mais il avait donc quitté, avant même le départ de son père pour Paris, le foyer familial de St Nicolas.

Menu du déjeuner du 7 mai 1890 (document fourni par Marc Antoine)
Faire part du mariage de Romain et Cécile (collection de faire parts de l'A.N.R.B.)

Cécile de Terwangne.

Ma grand-mère est née en 1869. Je sais qu’à 18 ans elle était en pension au Sacré Cœur à Paris, où elle terminait son parcours scolaire. Ce choix répond sans doute au souci de donner un vernis mondain, et un bon accent français, à cette jeune demoiselle, mais il a peut-être été facilité par le fait que sa grand-mère maternelle, Cécile Weber, devenue veuve en 1882, passait tous ses hivers dans un appartement parisien: 72, boulevard Malesherbes. La jeune pensionnaire avait comme un point de chute dans la capitale française.

Cécile au Sacré Cœur à Paris vers 1886. (17 ans)
En février 1887, elle vient d’avoir 18 ans, Cécile quitte la pension. Sa mère passe la chercher à Paris, y reste quelques jours pour « fournir la toilette» de sa fille et puis ses parents l’emmènent en voyage sur la Côte d’Azur, avec Amaury, son frère aîné. Cécile décide de tenir un journal de voyage, qui s’est miraculeusement conservé, dans un cahier de cuir rouge muni d’une serrure, rempli de l’écriture régulière que les dames du Sacré Cœur enseignent à leurs élèves. La langue est directe, l’orthographe parfois hésitante.
Journal de voyages de Cécile.
Ayant pris le train de nuit pour Marseille, la famille arrive le 11 février à Nice où l’oncle Arthur Pinson, frère de sa mère, a une villa. La jeune fille est émerveillée par le bleu de la mer, les orangers, les palmiers. On va à Monte Carlo, dans les salles de jeu, où elle est horrifiée par le regard inquiet et avide des joueurs. On pique une tête jusqu’à la frontière italienne. On va à Cannes, ville qui l’impressionne par son chic car on voit dans la rue d’Antibes de beaux équipages : landaus, victorias, paniers à deux chevaux. Puis c’est le début du carnaval de Nice avec des batailles de fleurs et de confettis.

« Le Prince de Galles était là dans un break, très simplement ».

Le journal s’arrête brusquement le lundi 21 février. C’est que le lendemain, Mardi Gras, un sérieux tremblement de terre, dont l’épicentre est sur la Riviera italienne ébranle toute la côte et rase pratiquement la ville de Menton. Cécile n’en dit rien, mais le choc a dû être rude pour toute la famille, et le voyage en tous cas écourté.

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Le journal reprend le 12 avril de la même année : Cécile accompagne sa mère dans un « voyage de dédommagement» qui dure jusqu’au 20 mai. Départ par la Suisse …

(Le 13 avril ils rencontrent par hasard à l’hôtel Schweizerhof à Lucerne, « M. et Mme de Hemptinne Jooris » qui rentrent de leur voyage de noces en Italie et avec qui ils passent une charmante soirée. Il s’agit en fait de Jean Baptiste de Hemptinne et Léonce Jooris, jeunes mariés, qui sont les grands parents de Bernadette, mon épouse),

Milan, les lacs italiens et Venise, où ils logent au Danieli :

« bel hôtel mais il y règne peu de confort et nous sommes assez mal logés ».

Retour par Strasbourg et Baden Baden. Visites et promenades tous les jours s’il fait beau. Quand il pleut on reste dans sa chambre et on écrit. Le soir on joue au whist. Cécile a une certaine culture artistique : elle aime beaucoup Milan et ses églises, est charmée par les villas de Iles Borromées, apprécie les Titien de la galerie de l ‘Accademia à Venise. Elle a un faible pour les uniformes militaires. À Milan les officiers italiens font la conversation avec les dames à la portière des voitures :

« Ils sont très soignés, très élégants dans de jolis uniformes et portent surtout des culottes très serrantes. Il parait que c’est la mode».

À Strasbourg :

« Oh les beaux officiers ! Les beaux uniformes ! Quel dommage de les savoir prussiens! Ils sont corrects, grands, beaux, un peu trop carrés d’épaules mais quelles belles moustaches ! Malheureusement ils sont très balafrés et portent la marque de nombreux duels ».

Le dernier récit dans ce cahier de voyages est un peu plus tardif.

 

« Notre voyage de noces»

« Notre voyage de noces» commence le jour même du mariage, le 7 mai 1890, où les époux vont loger à !’Hôtel d’Harscamp à Namur. Puis un circuit que Cécile connaît déjà: Strasbourg, Lucerne, les lacs italiens avec Stresa et Canobbio, une semaine entière à Milan que décidément Cécile adore. Le ménage en profite pour aller plusieurs fois voir des courses de chevaux (passion durable et partagée de ce ménage) et admirer les équipages qui sont plus beaux, dit-elle, que pour n’importe quelle course à Paris. De là un court séjour à Venise, en passant par Bellagio et Vérone, puis, par Villach, à Vienne où l’on reste une dizaine de jours. On continue par Salzbourg et Munich, pour être à Obberammergau le 25 juin pour le jeu de la Passion, qui impressionne beaucoup la jeune mariée. De là à Innsbruck, puis quelques jours à St. Moritz.

Vers la fin du texte, certaines pages semblent écrites d’une main différente qui pourrait être celle de Romain. Le journal se termine le 14 juillet à Lucerne, sans explications: il y a plus de deux mois que le jeune ménage voyage.

Hotel Harscamp à Namur

La Belle Époque à Anvers.

 

Cécile vers 1900 (peinture par Léonard Schaeken, chez Marc)
Boutons de livrée aux armes Schoutheete- Terwangne
Romain, orphelin de père et de mère, s’est rapidement et complètement intégré dans le milieu anversois de sa belle-famille. C’est là que naîtront en 1891, 1895 et 1907, ses trois fils et là aussi qu’ils iront au collège. Romain figure dans le High Life à partir de 1900 avec comme adresse principale 146, chaussée de Malines à Anvers. Par rapport à St. Nicolas, Anvers était une grande ville et une ville internationale. Les Terwangne y étaient établis depuis plusieurs générations, alliés aux principales familles de la ville, et le père de Cécile tenait une des banques importantes de la place. Élevée en partie à Paris, aimant les voyages, habituée aux hôtels chics, Cécile a entraîné Romain dans un type d’existence qui, d’après ce qu’on en disait dans mon enfance, correspondait plus à ses goûts à elle, qu’à ceux de son mari. Il n’y a pas de doute, en tous cas, que le jeune ménage menait grand train : belle maison, domesticité nombreuse, tableaux, meubles, vaisselle, argenterie. Il en reste quelques traces.

 

Couverts en argent armoriés.
Romain et Cécile avaient aussi l’habitude, dès avant la guerre de 1914, de passer une partie de l’hiver à la Côte d’Azur, généralement à Nice, où l’oncle Pinson avait gardé sa villa et où Amaury, le frère aîné de Cécile, est décédé en 1892. C’était un goût qu’ils avaient en commun et que mon grand-père a gardé toute sa vie. Pendant cette période hivernale les enfants, du moins les aînés, étaient mis en pension au collège, ce que mon père n’a pas toujours bien ressenti. Je crois avoir retenu que Romain louait aussi à cette époque une chasse en Allemagne, non loin de Bonn.

C’est de cette époque que doit dater le magnifique portrait de ma grand-mère qui est aujourd’hui chez Marc et qui m’a toujours fait penser, avec son regard intense, son grand chapeau et son parasol, aux belles dames de Proust, notamment à la duchesse de Guermantes. A la voir, on ne peut pas douter qu’elle ait eu le goût d’une vie mondaine et raffinée, que les moyens financiers des deux familles permettaient d’assurer.

La Campagne.

Une existence de ce genre ne se concevait pas sans château à la campagne. À partir de 1900 Romain donne comme deuxième adresse dans le High Life, le château de Maillard, par Hougaarde. À partir de 1907 ce sera le château des Étangs (aujourd’hui Vijverhof) à Corbeek-Lo, près de Louvain.

Maillard (qu’en flamand on nomme Meldert) était loué. C’est un château néo­gothique, entre Beauvechain et Tirlemont, dans ces plaines vallonnées où le Brabant flamand touche au Brabant wallon. Mon père, qui m’y a emmené un jour quand j’étais enfant, y gardait un souvenir éblouissant de ses vacances d’adolescent et de jeune homme. Vacances d’été, certes, mais aussi vacances de chasse, car la location du château se complétait par la location d’un vaste territoire de chasse où Romain venait chasser et où mon père a tiré ses premiers perdreaux. Le château appartient aujourd’hui aux Aumôniers du Travail.

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Le Vijverhof à Korbeek-Lo aujourd’hui et la réunion de famille qu s’y est tenue.

Le Château Maillard
Corbeek Lo ( en flamand Korbeek Lo) est à une dizaine de kilomètres de là, entre Louvain et Tirlemont. Le château a été acheté par Romain qui y a fait d’importants travaux de 1909 à 1912 pour lui donner l’apparence classique qu’il a retrouvé aujourd’hui, après de nombreuses vicissitudes. On y voit les armoiries accolées des Schoutheete et des Terwangne au fronton de la façade. Nous y avons tenu une réunion de famille il y a une vingtaine d’années.
Carte postale du Château de Corbeek-Lo au début de 1914

La Première Guerre.       

 

C’est donc une vie paisible et luxueuse, du moins d’après les critères d’aujourd’hui, que la guerre de 1914 est venue brutalement interrompre. J’ai des photos de vacances heureuses en famille à Corbeek Lo en juillet 1914. Un mois plus tard le château était brûlé par les troupes allemandes lors de la prise de Louvain.

La ruine d’un château qu’ils venaient à peine de rénover a dû être un choc sérieux mais, dans le chaos de la guerre, peut-être pas le souci principal de mes grands-parents.

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Le Vijverhof 1914
Gloire et désatre.

Partie en France au moment de l’invasion allemande, Cécile a passé la plus grande partie de la guerre à Paris, menant sans doute la vie normale de la bonne société française, à l’abri des exactions de l’occupant. Romain était peut être avec elle, bien que je n’en ai pas de preuve convaincante. Mais ils avaient deux fils à l’armée, Guy et Rico, bientôt immobilisés en première ligne, dans les tranchées de l’Yser. J’ai un album de photos qui couvre cette période et qui a dû être tenu par ma grand-mère. Il contient autant de photos d’un frère que de l’autre, toujours en uniforme, parfois au front, souvent en permission rencontrant leur mère dans une ville côtière : Deauville, Cabourg, Le Havre. Dans une photo avec mon père, qui date de 1916, il me semble voir beaucoup d’angoisse dans le regard et le sourire un peu forcé de sa mère.
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Le Square Frère Orban.

Dans le premier High Life paru après la guerre Romain donne comme adresse : 6 square Frère Orban à Bruxelles. Dans ce cas là également, selon ce que j’ai entendu dire, c’était Cécile qui avait souhaité s’installer dans le «Quartier Léopold», alors le plus chic de Bruxelles, et y acquérir un hôtel particulier. Pendant la décennie qui suit, ils retrouveront à Bruxelles le style de vie et le standing social qu’ils avaient connus avant-guerre à Anvers, tout en continuant à passer partie de l’hiver à Nice. C’est la période pendant laquelle les trois fils se marient : Rico le premier en 1922, puis Guy en 1926 et Jean en 1933.

Les chevaux de course jouent un rôle important dans cette existence. Mon grand-père s’était constitué une écurie et faisait courir ses chevaux sous les couleurs qu’il s’était choisi: casaque noire avec une croix de St. André jaune, ce qui s’inspire évidemment de nos armes. Mon oncle Jean avait le souvenir, square frère Orban, de déjeuners bâclés parce qu’il fallait partir à temps pour être, dans la tribune des propriétaires, au départ de la première course à Boitsfort.

Ma grand-mère est décédée d’un cancer en 1928. Elle est enterrée dans le caveau de famille à St. Nicolas.

Peu avant le mariage de son dernier fils, Jean, Romain a sans doute trouvé que l’hôtel particulier square Frère Orban était trop grand pour un homme veuf qui n’avait pas l’intention de mener seul une vie mondaine active. Il a été vendu à la famille Boël en 1932 (Ceux-ci le vendront à leur tour après la deuxième guerre mondiale. Il a été démoli pour faire place à un immeuble de bureaux. Je pense qu’il s’agit de l’immeuble qui porte aujourd’hui le n°10 et abrite des bureaux de la Commission européenne.).

C’est donc au début des années 1930 que Romain s’est installé dans une villa de style normand, qui existe toujours, 16 chaussée de Waterloo à Rhode Saint Genèse et où il a vécu pendant vingt ans. Il y menait une vie plus calme depuis son veuvage, tout en continuant à faire courir des chevaux et à passer l’hiver à Nice. C’est vers ce moment-là aussi qu’il a acquis, sur la digue de Westende, une villa appelée « Les Tourelles » que ses petits enfants ont beaucoup fréquenté (Cette villa, murée par les allemands pendant la guerre, a été vendue peu après et démolie pour faire place aux immeubles anonymes que l’on voit aujourd’hui sur toute la digue.). Il y venait lui-même au mois d’août pour suivre les courses d’Ostende. Il est décédé à Nice en 1953, au cours d’un de ses séjours hivernaux, et y est enterré.

Romain et Rico à l'hippodrome d'Ostende
Romain dans sa villa de Rhode-Saint-Genèse
Romain dans sa villa de Rhode-Saint-Genèse avec les Rico et les Jean (1945?)