Lettre de Guy à Rico
le 16 juillet 1915
« …Je tacherais de me faire envoyer là au cas où la solution de corps pour cause de départ pour la Russie viendrait me surprendre, ce qui n’est pas impossible… »
Guy se trouve affecté dans une unité d’automitrailleuses. Ces unités et leurs engins ont fait des merveilles grâce à leur mobilité, leur puissance de feu et la rapidité avec lesquelles elles se déplacent. Maintenant que le front s’est stabilisé et que l’on s’enfonce dans une guerre de positions et de tranchées, les automitrailleuses ne sont plus adaptées. Cette évolution de la guerre touche aussi la cavalerie. Ainsi les Guides, dont fait partie Rico, mettront pied à terre pendant trois ans et viendront renforcer des unités de cyclistes ou de fantassins. Ce n’est qu’n 1918, la contre offensive enclenchée, que les Guides remonteront à cheval et auront encore l’occasion de livrer quelques charges mémorables.
Pour les automitrailleuses, un autre projet est élaboré et finira par se mettre ne place : rejoindre le fronts de Russie où leurs qualités pourront servir de façon efficace sur ce front très étendu. Rappelons que la révolution bolchevique n’a pas encore eut lieu. Cette perspective ne plait pas du tout à Guy qui cherche par tous les moyens à s’en préserver . Il échafaude donc tout un plan de lobbying pour se faire reverser dans la cavalerie et rejoindre Rico aux Guides.
Retranscription du texte original :
Le vendredi 16 juillet 1915
Mon cher Rico
J’ai reçu ta gentille lettre à notre retour de Paris. Elle m’a prouvé une fois de plus combien nous nous ressemblons et de plus que tu étais et serais de plus en plus avec un peu de travail capable d’exprimer ce que tu sens. Si bien que l’idée m’est venue tout naturellement que plus tard nous travaillerons ensemble sur tous ces sujets qui forment le fond commun de nos souvenirs et de nos goûts. Ne dis pas que plus tard ne viendra jamais quelque intime plaisir tu puisse éprouver à te le dire ou plutôt ne te le dis que pour ce plaisir là. Car ce plus tard arrivera et bien probablement pour tous les deux.
Comme tu l’éprouves, ce sont souvent les à coté de la guerre qui sont les plus dangereux. Prends bien garde aux chutes de cheval.
Je m’étonnes que tu n’aies pas reçu la longue lettre que je t’avais envoyée avant mon départ pour Paris. De là je t’ai envoyé une carte. Écris moi si tu as reçu tout cela.
A Paris je me suis amusé à ravir et j’ai retrouvé Thérèse. Elle avait mal compris mon adresse. D’autre part la censure avait intercepté plusieurs de mes lettres (2 sur 4). C’était là je crois les principales raisons de son silence. Elle m’a d’ailleurs chargé de mille gentillesses pour toi et de te dire que nous nous étions parfaitement retrouvés, quand je luis ai dit que tu t’intéressais au mystère de cette histoire.
Je me suis logé au Grand Hôtel – très bien et pas carottes 5 fois par jours . J’ai été souvent au bois, une fois au théâtre voir la délicieuse revue de Rip au Palais Royal, nous avons même – comme il faisait chaud – été passer une journée et une nuit à la campagne aux environs de Paris. En un mo j’ai goûté pendant quelques heures cette vie de Paris que j’aime parce que tout y est bon goût et esprit depuis les robes des femmes les montres (comprends : étalages) des magasins jusqu’à la perspective des rues et l’étagement des terrasses dans les jardins.
Une fois rentré ici je n’ai pas trop eu le cafard mais j’ai compris une fois de plus qu’il me fallait quitter ce corps et ce d’autant mieux que j’en étais sorti quelques moments, que j’avais un peu de perspective.
Cette opération comprend deux parties 1° me sortir d’ici 2° mon entrée aux Guides. Je confie la premiere partie et la plus difficile à maman. Elle se trouve non loin de Poulet et de Linst (Cabourg-Le Havre). Elle pourrait obtenir d’eux qu’ils parlent au ministre de la guerre et m’obtiennent de lui un ordre de marche direct pour les Guides.
Pour ma part j’irai trouver Hagenstein afin qu’il demande à d’Hespel qu’il me mette dans son régiment.
Écris-moi ce que tu penses et donne moi aussi le nom de camps d’instruction belge pour la cavalerie. Je tacherais de me faire envoyer là au cas où la solution de corps pour cause de départ pour la Russie viendrait me surprendre, ce qui n’est pas impossible.
Je prends plaisir à écrire sur ce papier. Cela me rappelle le moment où j’écrivais des contes. Mais il me faut terminer.
Je t’envoie mes meilleures pensées et j’attends quelques mots de toi
Guy