Lettre de Guy à Rico
le 24 avril 1915

Guy à Cheval
de Paris ...
... à Loon Plage
Rico en 1914
Itinéraire de Paris à Loon-Palge
Sur la route de Gisors

Retranscription du texte original :

Nouvion 24 avril

(Quelqu’un a ajouté au crayon « Autos Canon 1915 major Colomb »)

Mon cher Rico

Je ne t’ai pas écrit ces derniers temps parce que je n’ai rien fait de bien marquant et que j’étais d’autre part occupé à mes préparatifs de départ.

Nous avons quitté Paris mercredi dernier après un défilé par l’avenue des champs Elysées où j’ai vu Jean Jean, et malgré tout une petite impression à voir cette merveilleuse perspective de la concorde à l’étoile, cette avenue où les marronniers étaient en feuilles tout cet ensemble de Paris où j’ai été si heureux et que je quitte pour un revoir sans doute, mais sans doute seulement …

Première étape Gisors. Nous parquons nos autos dans la vieille citadelle en ruine. Elle domine une chevauchée de toits moussus d’où s’érige une église gothique touchant à la Renaissance.

2 ème étape Aumale. Nullement remarquable. Mais réception charmante. Nous dinons et logeons chez un docteur. On passe la soirée au piano. Tous les airs de Paris reviennent les uns après les autres, sans omettre ceux du moulin de la chanson.

3 ème étape Nouvion. Un village. Le temps radieux jusqu’alors s’est couvert. Et notre arrivée dans ce petit endroit sans ressources, sur cette fin de jour, par ce ciel gris, est triste et je songe tout à coup désorienté, à tout ce que j’ai laissé là-bas, à quelques cent kilomètres, à ma vie passée absolument passée. Les départs sont le plus souvent gais. Ce n’est que longtemps après qu’on se quitte.

Je lis pour l’instant Jérusalem de Loti et ce m’est une grosse déception après l’enchantement de  » La Galère ».

Nous allons cantonner demain Dimanche à Loon-Plage un peu en dessous de Dunkerque. Nous y passerons quelques jours si tu peux viens me voir. Moi hélas je ne pourrai quitter. La discipline est devenue chez nous tout à coup d’une rigueur sans pareille. Ce qui me manque le plus c’est un vrai ami. Je n’ai que des compagnons.

Écris-moi dès que tu auras un instant. Mon adresse :
Corps des autos canons-mitrailleuses
Armée belge en campagne.

Je te quitte. J’ai pu dérober quelques instants au nettoyage des voitures qui est poussé ici à un raffinement qui confine à la folie. Et il y en a toujours parmi nous qui sont prêts à dire que nous autres, les gens de la haute, nous ne savons pas travailler.

 

Je te serre les mains de tout cœur

Guy

 

La ville de Gisors
La ville d'Aumale
Nouvion