Lettre de Guy à Rico
le 16 mars 1915

Guy et sa mère
Paris 1915
Rico en 1914

Retranscription du texte original :

 

Ce mardi 16 mars

Mon cher Rico

Nos lettres se croisent plutôt qu’elles ne se répondent et je ne sais même si tu as reçu mes dernières.

Loti ne partira pas pour Constantinople. Loti restera au ministère de la marine à Paris où d’après une note officielle « on songe nullement à se priver de ses services ».
Ceux qui annoncent le contraire l’annoncent en le sachant faux et uniquement par rosserie. Je reconnais l’Intransigeant. Nul n’aurait le cœur de le faire assister, de lui faire consommer la destruction de ce coin de la terre ou s’accrochèrent les meilleurs sans doute de ses rêves. Au reste peut-être ne demande t’il pas mieux, ayant peur des obus …

Que te dit le « livre de mon ami » sans doute que le chambard au milieu duquel tu vis n’en favorise pas la lecture.

J’admire tes lettres et ton courage. J’apprends derailleurs que tes officiers sont content de toi. Et je t’envie …

Tu ne peux te figurer combien la vie de Paris est déprimante, énerve le courage. Je me fais l’effet – servati servandis – d’Annibal à Capoue.

J’ai reçu une lettre de Papa. Rien ne favorise l’entente comme l’éloignement !  …

J’ai reçu aussi une lettre de ton ami Viron, je pourrais aussi bien dire mon ami – Il est à Gaillon et me demandé de venir le voir : un rien. Très gentil quand même. Il a passé par Paris et m’assure m’avoir cherché. J’en doute. J’aurais d’ailleurs eu quelque peine à lui rendre le service qui lui fut copieusement rendu ailleurs : sa nuit me dit-il fut excellente.

Que te dire encore ?

Ah Oui ! Papa s’informe auprès de moi(!) pour savoir ce qu’est au juste cette nomination à l’école de sous lieutenance dont il a été question pour toi.  Il a entendu tinter une cloche. Je lui ai dit écrit la chose dans tout son détail, me permettant toutefois de lui dire en fin que je me réjouissais pour toi qu’on ne t’aie pas choisi et que je ne doutais pas qu’il se réjouisse avec moi.

Je lis pour le moment la 3 ème série du politique et moraliste de Faquet, chef d’œuvre de pensée.

Et pour le reste je me soumets sans trop mauvaise grâce aux fantaisies diverses et inattendues des quelques parisiennes chez qui la mode des chiens japonais est avantageusement remplacée par celle des soldats belges.

 

A toi de tout cœur

 

Guy

Sans relire