Lettre de Guy à Rico
le 26 janvier 1915
Retranscription du texte original :
Ce 26 …
(Probablement décembre 1914 ou janvier 1915 en rapprochant « la Berliet » de la voiture dont parle la lettre de 10 décembre 1914, j’opte pour janvier 1915 car cette date est plus éliognée des fêtes de fin d’année auxquelles il n’y a aucune allusion)
Mon cher Rico
J’ai bien reçu ta lettre. La Berliet complètement usée est partie pour Calais. Je l’y ai accompagné et ai passé cinq jours là-bas. J’y ai vu Maxime qui s’y trouve à demeure. Et Papa que j’y ai rencontré par veine. Il venait de te voir à Spiker. Es-tu toujours là … Je conduis maintenant un camion benz mais me trouvant cantonné à Leffrinckoucke-bains (à la mer en peu plus loin que Bray-Dunes vers Dunkerke) je pourrai difficilement arriver jusque-là.
J’entends dire que certains guides sont dans les tranchées. J’espère bien qu’il ne s’agit pas des cavaliers mais des cyclistes. Éclaire-moi sur ce point. Car par le temps qui fait … Pour ma part j’ai été malade. La grippe. J’ai passé 4 jours au lit au coin du feu. C’est très bien ici où nous sommes confortablement dans une villa abandonnée mais tu vois cela dans les tranchées.
Un mot à propos des mitrailleurs où Papa m’a dit que tu voudrais entrer. Je tiens de Maxime qui est bien au courant qu’on n’y prend que des soldats venant des services auxiliaires (même pas nous). Je ne t’engage donc pas à faire la demande car par ce genre de demandes on froisse ses chefs pour peu qu’ils soient un peu susceptibles.
Le jour où nous avons quitté Teteghem je trouve, en allant les chercher, toutes mes affaires au pied de l’escalier de la maison dont j’occupais l’étage. L’auteur du méfait n’était autre que Charly Van Havre qui arrivant à Teteghem avait avisé cet appartement. Il en ignorait évidemment la locataire.
Maintenant au revoir. J’entends un N. de D. qui me rappelle à la réalité présente, écris moi à l’occasion et crois moi ton tout dévoué frère
Guy
Les mitrailleurs en 1914
En 1914, dès le début de la guerre, chaque brigade de l’armée belge comprend une compagnie de mitrailleurs du régiment d’active. Malgré leur utilité les mitrailleurs avaient mauvaise réputation. Planqué, le doigt sur une gâchette le mitrailleur sème la mort alors même qu’il est encore hors de portée de l’ennemi. Cela heurte l’éthique du militaire de l’époque.
Je me rappelle encore Rico, plus de cinquante après la guerre, me raconter comment il avait vu à Halen, le 12 août 1914, le massacre de deux superbes régiments de Dragons allemands par les quelques mitrailleurs de son régiment sans que la cavalerie dont il faisait partie n’intervienne.
Il avait compris. La cavalerie qu’il aimait, aussi belle et noble soit-elle, était soudain à ses yeux devenue une arme du passé.