Des femmes à la base d’une révolution

Le soir du 24 juin 2017

La benne d’un camion rempli de ballots de déchets est collée à la grande porte de la société Proplast, au quartier Silmang de Thiès. A l’intérieur de celui-ci, le jour de notre visite, des monticules de déchets emballés encombrent le quai de débarquement. Entre 5 et 6 tonnes de déchets environ sont débarquées chaque jour sur cette plateforme. « Nous recevons des déchets en vrac ou triés. Nous avons du polyéthylène haute densité (PE-HD), du polyéthylène basse densité (PE-BD) et du polypropylène (PP) », détaille le chargé du personnel, Papa Samba Bâ. A l’atelier de tri, des femmes prélèvent des morceaux de seaux, de bidons, de bouteilles… Elles les observent et les jettent dans des bassines en fonction de leur intensité et de leur couleur. Fatou Bâ Faye a déjà passé trois ans sur cette unité de traitement. « Nous gagnons notre vie dignement grâce à ce travail », nous souffle-t-elle. Plus d’une centaine de femmes temporaires et permanentes gagnent leur vie sur cette plateforme. Parmi elles, certaines ont tourné le dos aux maraîchages ou au petit commerce pour investir le créneau. « Actuellement les salaires sont de loin meilleurs que lorsque nous démarrions en 1997 » , dévoile la directrice adjointe, Germaine Faye. Elle est une des 14 pionnières du recyclage des déchets plastiques à Thiès.
Aujourd’hui, le secteur est devenu un terreau fertile des emplois indirects au Sénégal. La plateforme tourne jusqu’à 21 h. Contrairement à l’atelier de tri, dans l’atelier de broyage, des machines ronronnent. Des hommes au nez couvert d’un masque vident des sacs dans des réservoirs d’un des trois broyeurs. Il s’ensuit des claquements et au bout d’un entonnoir des matières de dimensions réduites sont récupérées. Après le broyage, c’est le lavage. Entre les ateliers, les granulés blancs et bleus sont exposés sur des toiles entre les ateliers.
Réduire les gaz à effet de serre
Au bout de la chaîne se trouve le dernier atelier de tamisage. Des femmes et des hommes extraient de derniers corps étrangers des granulés répandus sur les tamiseuses. « C’est la dernière étape du recyclage. Nous avons des granulés. Nous les écoulons au Sénégal et parfois en Europe » , explique Mamadou Faye, le chargé de la production. Ces plastiques sont de moins en moins incinérés dans des décharges, dans des quartiers et au sein des entreprises grâce au marché créé par Proplast, qui a permis d’éviter l’émission de 273 tonnes de CO 2 en 2008. C’est une contribution locale à l’effort global de lutte contre le changement climatique. « En 2008, lorsque nous avions fait notre bilan carbone, nous avions 273 tonnes d’équivalent de CO 2 évitées. Nous avions présenté un dossier pour la compensation. Et nous avions vendu ces tonnes d’émissions évitées au cabinet français Espere », dit Macoumba Diagne.
L’unité fournit de la matière aux usines de transformation implantées au Sénégal et parfois aux entreprises étrangères. « La quantité de matière recyclée revendue dépend de la demande, tantôt elle augmente, tantôt elle diminue. Il nous arrive que des clients fassent une demande d’une matière que nous ne parvenons pas à satisfaire car il peut arriver que nous n’ayons pas des matières brutes demandées par l’entreprise », explique la directrice commerciale, Maguette Samb.
Les déchets disparaissent
De l’entrée de la ville de Thiès à son centre-ville, jusqu’au quartier Silmang où l’unité est implantée, des recycleurs font fortune dans la collecte des déchets plastiques dont la tonne s’échange à 100.000 francs Cfa (environ 150 euros). « Nous sommes conscients que nous avons contribué à la lutte contre le péril plastique au Sénégal», affirme fièrement le directeur technique qui accompagne les femmes depuis 1997. En amont de la chaîne, la filière s’organise. A certains coins de rue de Dakar, des kiosques de vente des déchets sont ouverts. C’est la phase expérimentale. L’extension est programmée dans un avenir proche. Ces kiosques seront des points de rachat des déchets plastiques et de vente des produits finis fabriqués avec des déchets plastiques recyclés. « Nous sommes en train d’installer des kiosques récuplast pour collecter et distribuer des poubelles, corbeilles, tables de jardin, fosses septiques fabriquées avec la matière plastique recyclée », révèle Macoumba Diagne, de Proplast, qui projette d’investir 300 millions de francs Cfa pour racheter 300 tonnes de déchets chaque année dans le cadre de la campagne zéro déchets plastiques au Sénégal.
IDRISSA SANE