AMÉDÉE
LE CHÂTEAU DE MOELAND
ET L’ÉGYPTOMANIE

Après l’Expédition d’Égypte, menée entre 1798 et 1801, d’abord par le général Bonaparte, puis par les généraux Kléber et Menou, le néo-pharaonique devient un thème récurrent dans l’art occidental(…)La célèbre Description de l’Égypte, un compte-rendu « précolonial » de la précaire conquête du général, paraît à partir de 1809. Les souscripteurs pouvaient y trouver, entre autres, un premier inventaire scientifique, illustré, du patrimoine pharaonique, principalement le patrimoine immobilier. Quelques pièces mobilières importantes, comme la « pierre de Rosette », une découverte faite durant l’Expédition, s’y trouvent également reproduites. Un des artistes attachés à la Commission des Sciences et des Arts mise à disposition de Bonaparte par le Directoire pour documenter l’Égypte est d’origine « belge » : Henri-Joseph Redouté, né à Saint-Hubert (1766-1852). Nous le retrouvons par ailleurs, comme beaucoup de membres de la Commission des Sciences et des Arts, membre d’une loge maçonnique manifestement créée en Égypte, au nom évocateur de « Saint-Jean d’Écosse du Grand Sphinx ». Les artistes trouveront dans la Description de l’Égypte une source d’inspiration importante (..)

La grande œuvre semble bien avoir eu un impact artistique majeur, mais souvent tardif,(…) Une de ses mises en œuvre les plus spectaculaires, en province, ainsi, ne date pas d’avant 1877. Il s’agit de la décoration de la Salle à manger du château Mœland à Saint-Nicolas, en Flandre. Le commanditaire en est Amédée de Schoutheete de Tervarent (1835-1891), président de l’Académie d’Archéologie de Belgique en 1878. La Description de l’Égypte va servir de source unique pour les grands panneaux de stuc peint ornant la salle octogonale, ainsi que pour son extraordinaire plafond reproduisant, en couleur, le fameux zodiaque de Denderah. Le mobilier de la Salle à manger était également égyptisant (fig. 3). Peut-être qu’Amédée de Schoutheete s’était fait conseiller par Louis Delgeur (1819-1888), que nous retrouverons plus loin, non seulement l’un des « trois ou tout au plus quatre [Belges] qui se sont occupés d’hiéroglyphes », mais aussi le bibliothécaire bibliophile de l’Académie à l’époque. Le caractère assez exceptionnel de l’utilisation de la Description de l’Égypte en province ne devrait pas surprendre, puisque, sans doute, l’abbé Félicien Daury avait raison lorsqu’il notait que, à l’époque, quand il s’agissait d’égyptologie, « presque toujours les publications ne peuvent être acquises que par ceux qui n’ont pas la volonté de s’en servir. Ce sont d’immenses in-folio qui orneront une bibliothèque de luxe, mais qui ne pourront pas trouver place dans celle de l’étudiant ».

 

Eugène Warmenbol

http://www.koregos.org/fr/eugene-warmenbol-l-egyptomanie-et-l-egyptologie-en-belgique/

 

Chaise de la Salle à manger du château Moeland (Saint-Nicolas), aux armes d’Amédée de Schoutheete de Tervarent et de son épouse Emma de Munck (1877). Document communiqué par Philippe de Schoutheete de Tervarent, arrière-petit-fils d’Amédée. Le siège faisait partie d’une série de douze, proposé en vente en 1982, par la Galerie Laloux-Dessain, à l’occasion de la Foire des Antiquaires de Bruxelles