« …j’ai apprécié le véhicule automobile. »

Alors que Rico se bat dans la cavalerie, Guy se trouve embarqué à bord d’un tout nouvel engin : »l’auto-mitrailleuse ». Ce serait le Capitaine Servais qui, le premier, aurait eut l’idée d’équiper sa Minerva d’un blindage léger et d’une mitrailleuse posés à l’arrière.  Cela impliquait que, pour se battre, cet engin hybride fassent un demi-tour et attaque à reculons. Cette manœuvre présentait en plus l’avantage de protéger et le conducteur et le moteur de l’engin. En cette année 1914 ces auto-mitrailleuses n’avaient ni portes ni toit et il fallait donc une sérieuse gymnastique pour y monter et en descendre.

Extrait du site « Acier et tranchées » :

Mais l’engin le plus remarquable de l’été 1914 vient du plus petit belligérant, soit la Belgique. En effet, la « Minerva », avec sa structure cuirassée surprend complètement les Allemands par son agilité sur route et sa vélocité (40 km/h, ce qui représente une réelle performance pour l’époque). (…) Les succès que remportent localement les petites unités belges d’automitrailleuses ne suffisent pas à enrayer le rouleau compresseur allemand. Mais l’engin se montre assez fiable et suffisamment maniable pour que le Commandement belge décide de former un Corps d’automitrailleuses avec des « Minerva » en 1915.

Retranscription du texte original :

Leysele (Belgique – frontière française)
Le mardi 20 octobre 1914

Mon cher Rico

J’ai quelques instants devant moi. J’en profite pour t’écrire. J’espère que cette lettre aura un sort meilleur que mes précédentes cartes postales qui n’ont pas du t’arriver.
Je suis ici depuis quelques jours. Nous avons fait une longue retraite depuis les environs de Termonde jusqu’ici en passant par Selsaete. Tu auras probablement suivi le même chemin. Plus que jamais en voyant l’état où se trouvait nos pauvres troupes j’ai apprécié le véhicule automobile. Comment va ton cheval que j’ai vu à Wyneghem?
Est-ce toujours le même. T’es-tu encore battu. Ici l’on parle de renvoyer les miliciens dans leurs compagnies. Malgré les souffrances d’un hiver dans les tranchées je ne le regretterais qu’à moitié cela me donnerait l’occasion de me battre comme d’autres.
Les troupiers qui se sentent maintenant encadrés par les troupes alliées marchent fort bien. Hier les 8èmes, 10èmes et 13èmes ont pris deux villages à l’assaut et 12 pièces de gros calibre …
Je viens de terminer le « démon de midi ». C’est vraiment fort bien. Il y a des passages magnifiques, à la fin surtout. Ces lectures sont avec un « journal », car j’écris de temps en temps, les seules parties qui me restent de ma vie d’avant la guerre.
Que de ruines. Corbeek en cendres que de souvenirs disparus. Outre les tableaux et les objets d’art que choses personnelles, lettres, livres, cahiers, études plans ou projets d’écrits. Enfin il faut se faire une raison. J’ai bon espoir pour la chaussée de Malines dont je ne sais pourtant rien de précis. Papa dit y être rentré. Philippe Crabbe l’a quitté à Beveren. J’ai vu ce dernier à Oostende. Dans les premières heures du bombardement la maison n’avait pas souffert. Comme tu le sais, Maman et Jean sont à Cabourg.
J’ai beaucoup songé à la façon dont il faudra prendre la vie après la guerre. Je suis presque décidé à continuer mon stage et à éviter à nos parents les charges d’une carrière couteuse et peu lucrative. Je te conseille aussi si cela ne t’est pas impossible de continuer dans l’armée. C’est de moi-même que je te conseille cela.
Immédiatement après la guerre nous ferions un beau voyage (Italie, Sicile, Caire, Galilée, Istanboul et l’acropole) Ce serait comme une compensation et un repos. Nous payerions la moitié et nos parents l’autre. Qu’en penses-tu ?
Mais je crois que tout ceci sera bien long et qu’avant un an nous de devons pas espérer de repos et encore tu es mille fois plus à plaindre que moi.
Je t’écris tout ceci au milieu d’un brouhaha inouï sur une table de café. Cela t’explique le décousu de la lettre. Si tu as le temps écris moi aussi. Voici mon adresse : Corps de transport colonne automobile du capitaine Servais 4ème division d’armée. Belgique.
J’aurais grand plaisir à te revoir
Guy